mardi 8 novembre 2016

CHAÎNE DE MONTAGE DE POÉSIE MÉCANIQUE

162
Tu es cavalière
Et moi ton dada
Quand je suis pompette
Tu sautes sur moi

Tu t'ouvres la bière
Avec le dentier
Tenu de tes doigts
Aux extrémités

Adieu fromagère
Qui perdit son fer
Écréma ses nerfs
et devint squelette

Je suis à l'arrière
Tu vois mon derrière
Droit dans la lunette
Je n'ai plus de tête
163

L'odeur de vieux colle
A ce vieil alcool
Qui meurt et s'étiole
Et sent le formol

Mais quand on l'y colle
La flamme l'affole
Et dedans la fiole
Il fait sa luciole

Crépite et s'affole
Le verre gondole
La cire décolle
Et le bouchon vole

Dans les fumerolles
Ça sent le pétrole
S'ouvre l'auréole
Comme un parasol

164

Je n'ai pas oublié
Ton sourire en trompette
Et ton nez édenté

Tes cheveux de squelette
Tes pommettes bouclettes
Et ton front déchaussé

Tes beaux yeux de silence
La boule de faïence
Dans ton gosier nouée

Je n'ai rien oublié
Ni ton cou de cigogne
Ni ton cerveau gigogne
Ni mes mains de meunier

165

La troupe fera halte
Au gué au gué
Et rayera l'asphalte
De ses épées

Les soldats sont crevés
Patraques
Ils sont dans leur hamac
Couchés

La troupe fera halte
Au gué au gué
Frappera le cobalt
Des boucliers

Silencieux le bivouac
Tous les yeux sont fermés
Comme des oeufs de Pâques
Pochés

166

Je rêve d'une armure
De sciure
Je rêve d'une épée
Plantée

Je chausse mon chapeau
Je coiffe mon sabot

Je rêve d'une cape
En calque
Le brouillard met sa nappe
De talc

Et je plante une plume
Dans le trou de l'enclume

167

Je ferai de tes nuits
De la soupe aux orties
Tu seras rassasiée

Tu feras de ma vie
Un pâté de légume
Revenu dans la pluie

Je ferai de l'amour
Un gigot rissolé
Gratiné dans le four

Tu feras de mon cœur
Un soleil cuit de beurre
Dans la brume qui fume

168

Son moindre tentacule
Était poudré de talc
Il était ridicule

Sa frange était de calque
Sa paupière en capsule
Cachait de l’œil la bulle

Son prénom se décalque :
Il s'appelait Dracule
Ferdinand Crépuscule

169

J'ai soupé des guimauves
Et des soupes à l'oignon
Je ne suis plus mignon

J'ai vomi mon quatre heures
Attaqué le pain beurre
Par le bout du trognon

Jamais ne reviendrai
Sur ma plage natale
Je nage comme un squale
Coulé dans le bromure

170

L'ourlet brode à son nom
Son prénom qui couture
L'identité suppure

Retourne son veston
Comme on froisse l'armure
Ou qu'on fend l'édredon

Et la plume floconne
Et sa femme était conne
Comme un cerf sans ramures

171

Le ciel est un pâté
Le sol en mortadelle
Et moi je suis ficelle

Qui veut me débiter
En tranches bien serrées ?
Qui veut mon étincelle ?

La plage est des rillettes
La mer pâté de tête
Le soleil est mollet

Qui veut me tapoter
La coquille casser
Et tremper la mouillette ?

172

Qui fait des ronds calices
A la surface lisse
Et c'est qui qui polisse ?

A qui la fleur de lys
Dessous les bas qui glissent
Du haut en bas des cuisses ?

Allez qu'on en finisse
Il faut qu'on le punisse
J'appelle la police

« Allo ? quelqu'un ratisse
Dans mes amaryllis
Marche sur mes saucisses »

« Que voulez-vous qu'on fisse ?
N'y voyez pas malice
Cher monsieur c'est la Visse »

La Visse elle a bon dos
Les flics c'est ses salauds
Je monte une milice

On patrouille à la nuisse
Avec des fusils lisses
Et de larges couteaux

Qui fait tout ce pastis ?
Les glaçons sont dans l'eau
Comme des cicatrices

L'hiver gèle l'écho
Des vieilles cantatrices
Mais l'hiver a bon dos

173
Le billot subdivisé
A coup de hache classé
Chaque planche est une page

Le barrage est démonté
Comme pâte feuilleté
Une tarte aux coquillages

174

La peau de la citrouille était une peau d'âne
Et le carrosse en fait un tronc privé de sève
Où la reine plantée comme on plante une fève
Délirait sous l'effet des drogues frangipanes

Quelqu'un va sous la table et s'écoule l'eau vive
Comme coule la colle au sortir de son tube
La terre n'est pas ronde en fait c'est juste un cube
Le soleil est un con la Lune maladive

La plume dans l'enclume était à mon derrière
Moi qui suis chevalier d'un château de Bavière
Avant que je l'assume on m'en pluma l'arrière
Je n'ai plus qu'à m'asseoir sur ma propre rapière

175

Le roi pince l'Eustache
Juste sous la moustache
C'est la guerre illico
Montez les grands chevaux

L'Eustache lâche alors
La bride à ses soldats
Qui tranchent dans le tas
C'est fait un tas de morts

Les morts ne parlent pas
Mais ils sentent très fort
Leur odeur dit tout bas
Qu'on leur a fait du tort

Ils attendent le roi
Et l'Eustache dans l'ombre
Ils ont subi la Loi
Ils ont pour eux le nombre

176

Ce poème est à la noix
D'autres sont à la pistache
Je m'en goinfre la moustache
J'arrose ça de jaja

Ce qui compte c'est la joie
Peu importe ce qu'on mâche
Qu'importe ce que l'on boit
Même du rouge qui tache

Quand le rouge n'est plus là
La tache elle ne part pas
Il faut la frotter deux fois
Ou la repeindre à la gouache

Il vaut mieux fumer du hasch
Ou priser de la coca
Ça nous mène à la cravache
Ou nous rend tout chocolat

Mais c'est moins nocif la vache
Ce poème est à la noix
D'autres sont à la pistache
Certains sont trempés dans quoi ?

Dans l'eau d'un fleuve grenache
Où les poissons sont les rois
L'hameçon si tu le lâches
Ils s'en gavent le carquois

Et décochent en apaches
Des traits fins du bout des doigts
Qui se logent dans ta bâche
Et te percent l'estomac

Ce poème est à la noix
D'autres sont à la guimauve
Les plus endurants sont chauves
On leur a coupé les doigts

Les plus malins dans l'acôve
Se font sucer le chinois

177

Pique à l'aspic
Au rouet vache
Rouge qui fâche

Pique à l'absinthe
Et sous la plinthe
On voit les taches

178

La grand salle sanglante
A des portes de viande
Et le trône est en pente

La château est en cendres
La princesse est Cassandre
Le fou la voit et bande

L'entraîne dans les douves
Et lui fait des enfants
Avec des yeux tous blancs

Elle nourrit d'humus
Ou fait comme la louve
Allaitant Romulus

Mais les grands enfants pâles
Un jour trouvent le roi
Le piquent sur le pal

C'est la loi mes chéris
Celles des monarchies
Car le trône est en viande

La couronne en boyau
Le sceptre un os à moelle
Et Dieu un pot-au-feu

179

Dieu est contrepéteur
Et nos noms sont absurdes
Il faut changer

Dieu est contrefacteur
Et nous ne sommes pas
Ce que l'on croit

Dieu est artefacteur
Nous sommes figurines
Dans sa vitrine

180

C'est un bonhomme en bois
Qui remue dans les bois
A fait vœu de silence
Pas de pot :
Il fait du brouhaha
Tintant à chaque pas
La forêt de faïence
Fait écho

181

C'est un bonhomme en quoi ?
Pain d'épice à la noix
Ou de sucre de choix
Ou pain de vers à bois

Pour connaître la clef
Remontons à la clef
Son histoire passée
Son berceau est caché

C'est un bonhomme en quoi ?
Pain de glace tout froid
Coup de poing fait de doigts
Noués dans le carquois

Pour connaître la clef
Dévissons à la clef
Le boulon trop serré
Son secret est rouillé

C'est un bonhomme en quoi ?
Pain de crème ou de lait
Pain de viande gelé
Ou pain de dents de lait ?

182

Je fouille dans l'époisse
Et dégage des poisses
Un plein sachet de doigts
Que faire de ces doigts ?

Et les mettre dans quoi ?
L'étui est dégueulasse
Je le secoue trois fois
La première ils me brûlent

La deuxième l'annule
La troisième je lâche
Un à un se détachent
Mon moignon est sans tache

183

Qu'on débouche la flasque !
La capsule est un masque

Qu'on démasque d'un pop
Qu'on déterre la taupe !

La calotte est un casque
Qu'on débusque le Pope !

184

Les poésies sont de sanglants cornets
Qu'on secoue patiemment comme on peigne un toupet
Et qui débordent souvent de regrets
Tombant comme cheveux sur le sol du barbier

Parfois le cornet accouche d'un dé
Celui-ci affiche toujours le chiffre 6
Alors sans doute quelqu'un a triché
Le coiffeur a sorti son bâton de police
Alors sans doute quelqu'un a triché
Le coiffeur a sorti son couteau de boucher

185

Le mal est incarné
Comme l'ongle ou le nez
L'un grattant l'autre croûte
Quitte à le désosser

Quand on casse la croûte
Le pain prend sa valeur
Et dévoile sa fleur
Qui dormait sous la voûte

186

Rappelle-toi comme on riait
Maintenant on n'a plus le choix

On n'a plus de nez pour sentir
Et plus de cul pour rebondir

Rappelle-toi dis quelque chose
Et ne m'envoie pas sur les roses

Je n'ai pas les mots pour le dire
Et la tige a perdu sa rose

Rappelle-toi comme on riait
Maintenant on compte ses doigts
Il n'en manque pas plus que ça

187

Je compte avec le temps
Et lui presse les doigts
Il s'appuie sur mes dents
Et me fait mal aux noix

Echange de services
Entre le temps qui plisse
Et l'homme qui se gomme
à la gomme qui glisse

Je compte avec le temps
C'est compter sans les doigts
A ce régime là
On compte pour du vent  

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